Avoir un service vidéo de qualité devient essentiel pour de plus en plus de médias. Pour Les Echos, c’est devenu une force. Raphaëlle Laurent, chef du desk vidéo de la rédaction, revient pour nous sur les nouveaux formats populaires de sa petite équipe, sur l’importance de la vidéo en presse quotidienne à l’heure du numérique et sur ses pistes d'innovation pour automatiser la production.
Quelles sont les missions du pôle vidéo des Echos ?
Notre mission principale au service vidéo, c’est de couvrir l’actualité en vidéo et de faire ces petites pastilles avec une petite musique et du texte. Elles sont ensuite placées dans les articles et c’est notre première source de trafic et 90% de notre travail. La vidéo aux Echos ça n’a jamais été le cœur du réacteur. Donc nous n’avons pas des moyens démesurés puisque nous ne sommes que 2.
Comment donner envie à un public, qui n’est pas le même que celui des Echos, de s'intéresser à l’économie via vos vidéos décryptages ?
Les spectateurs cherchent plutôt des formats longs, plus pédagogiques qui répondent à des problématiques plus concernantes, ou sur des petites questions qu’ils se posent. Nous le faisons malheureusement seulement quand nous avons le temps puisque cela en demande beaucoup. Pour faire un bon décryptage, c'est un mois de travail pour une personne. Les vidéos marchent bien et nous sommes très contents puisque c’est un argument à mettre en avant pour rajeunir notre image de marque. Mais c’est un gros boulot d’enquête puisque la personne fait tout de A à Z, de l’écriture au montage, en passant par les interviews.
Y-a-t-il un souhait de développer le service vidéo pour permettre plus de décryptage ?
Il y a une réflexion en cours en interne aux Echos pour les développer. Ils sont conscients qu’un mois de travail pour une personne c’est beaucoup. Donc si nous voulons en faire une par semaine, il faut augmenter la taille du service de manière assez conséquente. La direction est assez pragmatique mais nous voyons bien que YouTube, c’est un terrain de jeu qui nous plaît énormément. Et en termes de média spécialisé dans le traitement de l'économie, nous pensons qu’il y a un boulevard pour nous sur le format vidéo. Nous avons déjà une bonne liste de sujets que nous pourrions traiter et qui intéresseraient notre audience.
Qu’est ce qu’apporte un pôle vidéo à un quotidien papier ?
Il apporte des angles différents et la puissance des images. L’irruption aux îles Tonga que nous montrons du ciel, les cendres qui sortent. Il y a un côté «waouh» que même la meilleure plume ne pourrait pas transmettre. Ça donne aussi l’idée que Les Echos n’est pas un média de cadres supérieurs. L'économie est partout, même dans les petites choses du quotidien comme Internet avec les câbles sous-marins. C’est des terrains sur lesquels la pédagogie en vidéo se prête tellement et sur les réseaux sociaux ça touche une audience tellement plus large par rapport à l’article sur le site. Ça montre que l'économie peut être fun à regarder. Le but est aussi d’exister pour un public, et le jour où ils devront acheter une maison, acheter une voiture, se renseigner parce qu’il y a un plan social dans leur entreprise, ils pourront se dire : «Il y a un média qui s’appelle Les Echos, je vais peut-être trouver des réponses sur leur chaine YouTube». C’est notamment ce que fait Le Monde sur TikTok, si vous demandez à des jeunes adolescents utilisateurs de la plateforme aujourd’hui quel média ils connaissent, ils répondront «Le Monde» et c’est tellement malin de créer un contact de la sorte avec la marque pour la faire exister.
Nous remarquons un style proche de Vox dans les vidéos décryptages, est-ce que ça a été une inspiration ?
Nous sommes des créateurs mais aussi de gros consommateurs. De Vox mais aussi de tous les médias américains qui font des vidéos très graphiques, que nous n'avons pas en France en dehors du Monde. Nous sommes très fan de ce que fait Vox depuis toujours mais nous ne prétendons pas vouloir rivaliser, par manque de moyens. Nous faisons tout nous-mêmes et c’est quelque chose d’assez rare dans les médias. Normalement, il y a souvent différentes pratiques entre ceux qui font le script, ceux qui font le montage, ceux qui font les animations, ceux qui exportent et qui font les sous-titres. Pour nous, créer de A à Z c’est aussi une force.
Vous avez mis en place des vidéos semi-automatiques ? Comment cela fonctionne, et d’où est venue l’idée ?
Au début de la crise sanitaire, nous faisions chaque jour une petite vidéo avec les statistiques liées à la propagation du coronavirus. C’était un peu ennuyant à faire et puis c’était toujours la même chose. Vu que j’ai un peu d’expérience dans le codage, je savais qu'il était possible de profiter de ces données quotidiennes pour fabriquer quelque chose en Javascript dans After Effect. Donc ma cheffe m’a demandé de trouver comment injecter les datas de Santé publique France dans After Effect automatiquement. C’est le logiciel qui fait tout lui-même, qui va chercher les statistiques, qui met à jour la courbe, nous avons juste à entrer la donnée dans le fichier source. Tous les papiers Covid, même ceux sortis il y a deux ans ont donc la même vidéo qui les accompagne et qui est mise à jour quotidiennement. Cette première expérience nous a donné d’autres idées de vidéos comme celle sur les statistiques du monde du travail, qui est sortie récemment. Mais d’autres sont en préparation sur des sujets liés à l’immobilier, les crédits, les cryptomonnaies, le pouvoir d’achat... C’est certes du travail à développer mais ensuite c’est du temps de gagner pour faire d’autres choses et cela nous permet aussi de maximiser la visibilité des vidéos sans embaucher 15 personnes.
Quels sont les objectifs à moyen terme du service vidéo, pour la chaîne YouTube et pour les vidéos publiées sur le site ?
Nous avons plusieurs souhaits pour 2022. Le premier : continuer à maximiser les vidéos sur le site, plus de vidéos dans tous les articles. Le deuxième : développer les vidéos semi-automatiques dans différentes thématiques. Et enfin : avoir une réflexion sur l’augmentation du nombre de décryptages.
Propos recueillis par Guillaume Lavialle
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