Des candidats/content creators en campagne
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La bataille pour l’Elysée a pris fin. Cette campagne d’entre-deux tours a vu les deux anciens candidats à la présidentielle s’affronter sur tous les fronts, y compris celui des réseaux sociaux. Les deux adversaires ont parfois fait preuve de créativité, d’autres fois ils ont été plus conventionnels… mais c’est qui est certain, c’est que le terrain de jeu en ligne a été exploité autant que possible.
Sur les chiffres, Emmanuel Macron ne brille pas. Si nous ne prenons pas en compte les réseaux sociaux officiels du président de la République (que nous détaillons dans notre infographie plus bas), tous ses comptes de campagne ont un nombre d’abonnés nettement inférieur à ceux de son opposante d'extrême droite. Sur Instagram par exemple, elle enregistre 276 000 abonnés, tandis que le compte @avecvousfr n’est suivi que par un peu plus de 22 000 personnes. Sur TikTok, le compte de campagne d’Emmanuel Macron n’est même pas présent.
Malgré ce bilan, le président de la République réélu a quand même fait parler de lui sur sa façon de faire campagne en ligne. Après l’officialisation de sa candidature avec une “Lettre aux Français” postée sur le mauvais compte (celui «officiel», où il a normalement le droit de publier uniquement des contenus liés à sa fonction publique), Emmanuel Macron avait lancé sa web-série Le Candidat. Des clips d’environ 10 minutes qui reprennent tous les codes des séries Netflix, publiés sur YouTube chaque vendredi à 18h. Une communication qui s’adresse à un public jeune, mais qui n’obtient pas le succès escompté, le nombre de visualisations chutant à chaque nouvelle sortie. La scénarisation est pourtant soignée, montrant les coulisses de campagne et des moments plus intimes voire intimistes (comme le début de l'épisode 8 où on voit Emmanuel Macron demander des conseils sur le pantalon à porter).
En l'absence de son adversaire, sur TikTok Marine Le Pen divertit ses 495 400 abonnés avec des contenus assez classiques (meetings, interviews etc.), mais aussi avec une série de vidéos où l'ancienne candidate répond à des questions loin de son programme électoral. «Vin blanc, vin rouge ou vin rosé ?», «Vin blanc, avec des glaçons», répond Madame Le Pen en souriant. «Plutôt Koh-Lanta ou Danse avec les stars ?». Une question qui lui demande un moment de réflexion, puis elle répond : «Koh-Lanta». Une fois encore, on peut y lire une tentative de rapprocher le spectateur de l’intimité de l’ex-candidate, qui cesse de parler pouvoir d’achat pour raconter quel est son film ou son livre préféré.
Même s’il reste encore du travail à faire, une question se pose : aurons-nous des candidats toujours plus content creators ? Réponse à la prochaine élection présidentielle.
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🎬 Une fiction en direct le soir du second tour
Hier soir, Arte a proposé une expérience inédite à la télévision et dans une trentaine de cinémas en France : une fiction tournée et diffusée en direct. « Jour de gloire » suit deux frères aux idées politiques opposées qui se retrouvent le 24 avril 2022 à 19h. « Le plan séquence peut commencer. Il va durer 1h05, et il est en direct », annonçait le synopsis. Le scénario était tel que les comédiens ont découvert comme le reste de la France les résultats de l’élection présidentielle en direct, depuis un poste de télévision. Le film a été écrit à 85% après le premier tour de l’élection le 10 avril et a impliqué un timing parfait pour que la révélation du gagnant arrive au bon moment du scénario.
🗳 L'élection traitée par les médias anglo-saxons
L’élection présidentielle française a aussi intéressé les médias anglo-saxons. Pour l’occasion, l’agence de presse américaine Bloomberg a dédié une page de son site entièrement aux résultats des deux tours, avec en prime une version intégralement en français. Du côté britannique, The Economist a quant à lui sorti une série de vidéos. Ces vidéos sont des portraits d’électeurs et électrices, entre Lille et Auchy-les-Mines, très bien produites. Le magazine a aussi produit un travail d’infographie concernant les résultats des deux tours sur son site. On y retrouve même des cartes avec le vote commune par commune.
📰 Un abonnement offert par La Voix du Nord pour les primo-votants
Pour lutter contre l’abstention des jeunes et toucher un nouveau lectorat, La Voix du Nord a lancé l’opération « Premier vote = premier abonnement ». Le principe ? Les moins de 25 ans qui se rendent aux urnes pour la première fois peuvent faire une demande d’abonnement numérique au quotidien régional pour une durée de six mois. Seule condition : montrer sa carte d’électeur tamponnée. Après le premier tour, le journal avait déjà reçu quasiment 600 demandes.
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« L'arrivée sur Twitch est un mouvement naturel pour nous »
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Sur Twitch, un nouveau venu du monde des médias a fait son apparition. France Info a débarqué sur la plateforme d'Amazon avec deux émissions : une collaboration un peu particulière avec Game Of Rôle, et un suivi «soirée pizza» des soirées de l'élection présidentielle. Deux formules qui trouvent leur public et font du lancement de France Info sur la plateforme une réussite.
Comment le projet d'arrivée de France Info sur Twitch a été mis en marche ?
Jules de Kiss : C’est un mouvement naturel pour nous. Il y a de plus en plus de gens et de journalistes qui regardent Twitch. Moi et d’autres, nous sommes des spectateurs depuis un moment, moi ça fait 11 ans par exemple. Et il y a de plus en plus de monde. Jean Massiet, par exemple, fait de la politique sur Twitch depuis 2015. Donc il y a deux mouvements, plus de journalistes intéressés et une plateforme avec un public qui grandit. Tout ça fait que les directions de Radio France et de France Info sont curieuses et veulent que nous allions chercher de nouveaux publics, principalement des jeunes, sur le fond et la forme. Je ne peux pas détailler la stratégie mais France Info a eu une oreille attentive à cette initiative. Nous avons également été attentifs à ce que les autres grands médias ont proposé. Certains se sont fait attaquer de manière un peu injuste car il y a une défiance et elle est logique. Twitch c’est avant tout du jeu vidéo, c’est la genèse de la plateforme. Donc il y a un risque d’arriver dessus. Mais il faut que nous parlions aux jeunes à une époque où l’âge de l’auditeur moyen est au dessus de 40 ans alors que celui du viewer est largement en dessous. Il faut donc essayer de les trouver, pas dans un soucis marketing, mais plutôt dans un soucis de respect de la mission d'information du service public qu'est la nôtre. Et je pense que le public le comprend. Mais il fallait arriver avec des formats qui fonctionnent. Et c’est pour cela que nous avons réfléchi à l’avance «Games of Rôle : Les deux tours», mais aussi les soirées présidentielles avec un ton assez différent des chaînes d’info.
Vous avez également créé avec le studio Game Of Rôle (Les Deux Tours) un jeu de rôles autour de la présidentielle. Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce projet ?
L’idée a été amenée par Clément Viktorovitch et Fibre Tigre (créateur et présentateur de Game Of Rôle). Ils s’étaient dit que c’était intéressant d’avoir dans le tempo de la campagne présidentielle une émission qui aborderait la vie de la cité, les grands sujets de société via le jeu tout en ayant un petit plus pédagogique. Concrètement, les 4 joueurs s’affrontent en joute verbale et doivent répondre aux événements que rencontrent leurs candidats fictifs. Mais les joueurs, principalement des personnalités de Twitch, ne sont pas des experts. Il y avait donc un défi d’ajouter de l’info pour donner une base aux échanges et éviter que l’image de France Info se noie dans l’émission. C’est moi qui incarne la partie actu, avec des reportages tirés de l’antenne. Je rappelle à chaque intervention que nous nous retrouvons à nouveau dans le monde réel.
« À la radio, tout est chronométré, sur Twitch, nous pouvons passer 25 minutes sur un même sujet »
Est-ce qu’en tant que journaliste, on prépare une émission Twitch de la même manière qu’on prépare une tranche radio ?
C’est des émissions très différentes, avec des formats très différents. La radio c’est un travail d’horlogerie. Tout est chronométré. Quand dans ma tranche du week-end de 10h à 14h j’ai une interview c’est rarement pour plus de 8 minutes. Ça fait la richesse de l’information en continu sur France Info car c’est pour ça que les gens viennent nous écouter. Sur Twitch, nous pouvons passer 25 minutes sur un sujet que nous n'avions pas prévu dans notre enchaînement. Évidemment lors des soirées électorales nous avons des grandes lignes avec les résultats, et les allocutions des personnages importants de cette campagne. Nous nous répartissons des rôles Clément Viktorovitch est notre analyste en communication politique, Manon Mella parle plutôt de la jeunesse avec son travail pour Génération 2022 et Olivia Leray de la communication en général. Finalement, nous avons une liberté absolue et chaque émission est une page blanche que nous remplissons avec les viewers.
Lors de la première édition au moment du premier tour, vous aviez invité deux personnalités politiques, pourquoi ne pas avoir réitéré cela pour le second tour hier ?
Nous sommes très contents des échanges que nous avons eus avec Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l'Alimentation et Robin Reda, député LR de l’Essonne le soir du premier tour. Le seul problème, c'est que cela avait tendance à phagocyter tout le reste et l’ambiance de groupe que nous avions créée. Finalement ça n’avait pas sa place. Et ce n’était pas spécialement demandé par le public. A un moment dans l’émission de dimanche soir, nous avons fait un sondage sur le tchat pour savoir si ça manquait au spectateur d’avoir des interviews, des duplex ou des directs et au final 92% des votants préféraient s’en passer. Avant le 1er tour Clément Viktorovitch et moi pensions que c’était important, finalement, les viewers ont tranché.
D’autres formats en perspective ?
Nous nous laissons le temps de la réflexion. Nous voulons faire les choses bien et petit à petit. Donc nous verrons bien si nous continuons.
Propos recueillis par Guillaume Lavialle
Photo originale : Christophe Abramowitz / Radio France
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La présidentielle vue par les correspondants étrangers
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Rick Noack, The Washington Post (États-Unis)
Contrairement au New York Times qui possède un bureau et plusieurs journalistes à Paris, Rick Noack est le seul correspondant du Washington Post dans la capitale française. Il le reconnaît lui-même, «ça offre une grande liberté, je peux proposer des choses très différentes à la rédaction» mais l’oblige aussi à faire des choix lorsque l’actualité l’impose.
« Il y a énormément d’intérêt pour cette élection aux États-Unis. La France est un pays important dans le monde et entretient une relation très particulière avec l’Amérique, même s’il y a pu avoir des tensions récemment. Évidemment tout est un peu perturbé par la guerre en Ukraine mais ce sujet s’est invité dans la campagne et les réactions des candidats étaient intéressantes . »

« Je crois important de préciser que l’intérêt des Américains pour cette élection va bien au-delà de Washington ou des grandes villes. Le sentiment qui peut être ressenti par certains Français d’être laissé sur le côté est aussi très présent aux États-Unis. Je pense que c’est ce qui est frappant et j’essaye autant que possible de m’éloigner de Paris pour rencontrer des personnes de tous les milieux lors de mes reportages. »
« Avant même le premier tour, nous avons couvert la politique française car l’arrivée d’Eric Zemmour dès le mois de septembre 2021 a rebattu les cartes. Pour la première fois, nous avions un candidat encore plus à droite que Marine Le Pen, et qui en plus, selon les sondages, lui faisait de l’ombre. Cela a aussi amené de la violence que j’ai pu mesurer en le suivant à Nantes avant même qu’il ne soit candidat. Une violence qui a grandi tout au long de la campagne. »
Elias Masboungi, L'Orient-Le Jour (Liban)
En plus d'être un contributeur du quotidien L'Orient-Le Jour, Elias Masboungi est également le président de l'Association de la presse étrangère (APE). À ce poste, il a vu fondre le nombre de correspondants étrangers en France «de plus de 700 en 2000 à environ 300 aujourd'hui», ce qui n'empêche pas la France «de rester un sujet important pour les médias étrangers».
«La situation dramatique actuellement au Liban limite très clairement la couverture de l’élection française qui est proposée dans les médias libanais. Nous avons nous-mêmes des élections dans moins d’un mois et nous nous concentrons plutôt là-dessus. Ceci dit, il n’y a pas un groupe de Libanais qui ne s’intéresse pas au paysage politique de votre pays. Nous pouvons quand même dire que la couverture de l’élection au Moyen-Orient est moins importante que lors des scrutins précédents. »
« Cette élection intervient aussi dans un contexte particulier sur le plan international avec l’Ukraine notamment. Toutefois, la politique étrangère est un thème auquel les Libanais sont très attentifs, car la France a un lien très fort avec notre pays. Et sur des sujets comme l’Iran ou l’aide pour notre pays, les choses peuvent évoluer rapidement selon le locataire de l’Élysée. »
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Propos recueillis par Gwendal Lavina
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